Le Bateau-Lavoir de Montmartre
Connaissez-vous le "Bateau Lavoir" de Montmartre ? Pas encore ? Moi si !
Comment, que me dites-vous ? Ce chien facétieux voudrait-il vous faire croire qu'il y a un bateau sur la butte de Montmartre ? Et pourquoi "Lavoir" ? Un bateau qui lave en plus ? Non, je suis resté très sérieux. Cela m'arrive ...
Je vous explique. Mais, pour bien comprendre, il faut remonter le temps. Ce qui pour une fois nous changera de la butte. Vous m'avez-suivi ?
En 1830, au 13 de l'actuelle place Emile Goudeau, et suite à un affaissement de terrain, ferme l'une des guinguettes de la butte, "Les archers du poirier sans pareil". Avant que vous ne me posiez la question, je précise que la place Emile Goudeau, est située pratiquement à l'angle de la rue d'Orchampt, ou se trouve l'ancienne maison de Dalida, et de la rue de Ravignan. Au fait, je vous ai bien dit qu'une fontaine Wallace se situait Place Emile Goudeau ?
Mais revenons à notre guinguette qui vient de s'écrouler. Oui, en 1830 bien sûr ! Pas aujourd'hui ! Vers 1860, une maison la remplace. Construite en briques et en bois, elle comporte de très petits logements, souvent d'une pièce, de chaque côté d'un couloir. Cela ne vous rappelle rien ? En fait, la première partie du nom, "Bateau", proviendrait de cette ressemblance troublante.
La deuxième partie du nom, "Lavoir", aurait été trouvée par le poète et romancier Max Jacob, qui viendra séjourner au Bateau-Lavoir en 1904, en compagnie notamment de son grand ami Pablo Picasso. Pour rendre hommage à l'unique point d'eau de la maison ! Point d'eau qui provenait en fait de la fontaine issue ... au milieu du bâtiment ! C'est ainsi que celle qui s'appelait lors de sa reconstruction "Maison du Trappeur", deviendra le "Bateau-Lavoir".
En fait, le premier artiste à s'y installer, en 1892, est le peintre Maxime Maufra. Rapidement, de nombreux artistes de l'époque vont venir s'y retrouver. En 1904, arrive Pablo Picasso, qui y restera jusqu'en 1909. Il gardera néanmoins un atelier jusqu'en 1912, juste à proximité, rue Gabrielle dans le prologment de la rue de Ravignan. C'est en 1907 qu'il peindra "Les Demoiselles d'Avignon". Malgré la misère du lieu, Picasso a écrit sur cette époque : "Je sais que l'on reviendra au Bateau-Lavoir. C'est là que nous avons été vraiment heureux, nous étions considérés comme des peintres et non comme des bêtes curieuses."
Car à cette époque, l'inconfort y était total. Outre le seul point d'eau, le Bateau-Lavoir était glacial l'hiver, et un véritable four l'été. Les écrits de l'époque ne rapportent-ils pas que Picasso était parfois obliger de travailler pratiquement nu ? Cela n'empêchait pas les artistes de former une véritable communauté, se prêtant objets et peinture, et mangeant chez celui qui était le moins fauché. Quand ils ne décidaient pas de tous se laisser pousser la barbe en même temps !
Au fil du temps, on pourra néanmoins y rencontrer Paul Gaugin, Kees van Dongen, Amedeo Modigliani, Pierre Mac Orlan, et bien sûr Max Jacob. Mais on pouvait y croiser aussi des personnalités tout aussi diverses que Henri Matisse, Georges Braque, Fernand Léger, Maurice Utrillo, Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry ou Jean Cocteau. Et bien d'autres naturellement ! Du coup, Max Jacob surnommera également le "Bateau-Lavoir" le "laboratoire central de la peinture". Bien vu, non ?
Car dans ce contexte, 2 grands courants vont évoluer et vont marquer l'art du début du 20ème siècle : la fauvisme et le cubisme.
Et c'est ainsi que le Bateau-Lavoir est devenu un lieu mythique, sur lequel on pouvait encore écrire en 1964, dans "Montmartre vivant" : "Miraculeuseument préservé, le Bateau-Lavoir est toujours habité par des artistes malgré son aspect sordide de décor pour Kafka et son odeur de punaise qui vous prend à la gorge dès que l'on pénètre dans ses couloirs semblables à des coursives".
Le Bateau-Lavoir fut classé par André Malraux en 1969. Malheureusement, après l'affaissement de terrain en 1830, il fut détruit par un incendie en 1970. Seule la façade pu être sauvée. Aujourd'hui reconstruit, il est aménagé en 25 ateliers, qui permettent à de jeunes artistes étrangers d'y travailler. Perpétuant ainsi son souvenir. Peut-être les futurs Picasso de demain ? Qui sait ...
A côté du Bateau-Lavoir, et grâce à l'Association d'Histoire et d'Archéologie du vieux Montmartre, vous trouverez, à l'emplacement d'une ancienne blanchisserie,une vitrine présentant des documents sur son histoire.
Et vous, serez-vous sensibles à l'atmosphère "fauvisme" et "cubisme" du "Bateau Lavoir" de Montmartre ?
Bisous,
Apple.