Les réservoirs de Montmartre de 1889 à 2016.
"Depuis plusieurs mois, les Parisiens ont pu voir s'élever au sommet de la butte Montmartre, non loin de l'église du Sacré-Coeur, une construction massive qui, vue de la place Saint-Pierre, offre l'aspect d'une place fortifiée; ce sont les réservoirs que la ville de Paris vient de faire établir en cet endroit, pour l'alimentation des quartiers élevés du dix-huitième arrondissement, et qui vont être inaugurés dans quelques jours".
Rassurez-vous ! Vous n'avez pas loupé ces travaux pharaoniques lors de votre dernière visite à Montmartre ! Car ce texte ne date pas d'hier ... Il a été écrit le 21 décembre 1889 très précisément, dans la revue L'Illustration. Dans le numéro 2 443, page 540 pour être encore plus précise.
Selon Wikipédia, l'illustration était un magazine hebdomadaire français, publié de 1843 à 1944, puis de 1945 à 1955 sous le nom de France Illustration. Il connut 5 293 numéros, constituant 180 000 pages environ.
Dans les pages que j'ai donc pu acquérir grâce à ma fabuleuse tablette, l'article, signé par G Gerbelaud, décrit avec moult détails, deux croquis et une photo d'époque, l'installation hydraulique mise en place pour pourvoir au besoin d'eau de Montmartre notamment. De par sa technique de construction très particulière, les réservoirs de Montmartre ont parfaitement traversé le temps.
Plan des réservoirs d'eau de Montmartre en 1889 -Source : "L'Illustration" (Décembre 1889)
Dès 1889, les réservoirs occupent une superficie de 2 300 mètres, avec une capacité totale de 11 000 mètres cubes, dont 6 200 en eau de source et 1 800 en eau de rivière. Ils se composent donc en 2 parties bien distinctes et complètement séparées, formant deux édifices accolés. Le premier comprend trois étages d'eau, et le deuxième deux seulement. Ils sont alimentés par une usine élévatoire au bas de la butte, dénommée "Usine Saint-Pierre".
Cette usine élévatoire renferme 3 machines à vapeur de la force totale de 140 chevaux, actionnant des pompes qui aspirent directement les unes les eaux de la Seine, et les autre l'eau de la Dhuis. Ces eaux sont refoulées séparément, sur un dénivelé de plus de 60 mètres jusqu'aux réservoirs, où elles sont réparties dans les étages.
L'étage supérieur du grand réservoir, à 136 mètres d'altitude soit 100 mètres au dessus du niveau de la Seine, peut à lui seul recevoir 2 000 mètres cubes d'eau de source. Il alimente le réservoir du Château, situé en haut de la rue Lepic. Destiné au service de la zone la plus élevée de Montmartre, il ne contient que 150 mètres cubes d'eau.
Cette prouesse technologique n'a pas été effectuée sans une certaine appréhension. L'exemple, récent à l'époque, des difficultés rencontrées dans l'édification de la l'église du Sacré-Cœur, où l'on du parer à l'inconsistance du sous-sol au moyen de fondations par puits de grandes profondeur remplis de béton, est dans tous les esprits. Mais les ingénieurs trouvent ce procédé était beaucoup trop onéreux pour la construction des réservoirs.
L'Illustration explique que les ingénieurs de la ville ont donc pensé, avec raison, qu'il serait possible de profiter de l'uniformité des pressions produites par la masse d'eau à emmagasiner pour assoir directement les réservoirs sur le banc de sable de 3 mètres d'épaisseurs qui forme la partie supérieure de la butte en cet endroit. En contrepartie, il fallait absolument à tout prix garantir le sous-sol contre les infiltrations pour que le sable ne soit pas mouillé. C'est pour cela que les réservoirs ont été construits sur un radier général de 75 centimètres d'épaisseur, sorte de chappe imperméable en mortier de ciment. En complément, la voûte qui supporte l'étage inférieur ne repose pas directement sur ce radier, mais est supportée à une hauteur de 2 m 40 au dessus par des piliers en maçonnerie, pour faciliter la réparation d'éventuelles fissures.
En façade, les réservoirs présentent une série d'arcades. Le sol de chaque étage est voûté et forme couverture pour l'étage inférieur. Naturellement, les dimensions et les profils des murs ont été largement calculés pour résister à la pression de l'eau que les réservoirs renferment.
Sur le mur du pourtour côté Ouest, s'appuie la maison du gardien, par la cour de laquelle on accède, au moyen d'un escalier, au chemin de ronde et à la terrasse supérieure. D'autres escaliers ménagés dans les tourelles d'angle conduisent aux divers étages du grand et du petit réservoir. Des petites ouvertures, en forme de meurtrières, assurent l'éclairage et la ventilation. Des puits de services donnent aussi accès à chaque étage pour la descente des matériaux en cas de réparation.
Car l'ascension des réservoirs, même par la face Est, même en mars 2016, est loin d'être évidente ! Il faut avoir au moins l'équipement et l'entrainement des sapeurs pompiers de Paris pour y parvenir. et depuis mon article sur "La fin du Bateau-Lavoir", vous savez le respect et l'amitié que j'ai pour eux ...
Ascension des réservoirs par les sapeurs pompiers de Paris en 2016
La pierre blanche de Souppes à été employée pour les façades et les parties décoratives.
Les réservoirs de Montmartre et toute l'installation hydraulique qui s'y rattache sont l'œuvre de MM. Bechmann, ingénieur en chef, et Journet ingénieur des ponts et chaussées, chargés de l'éxécution des travaux. M Dutoit, conducteur principal des ponts et chaussées, les à secondé dans la réalisation des travaux. N'ont-ils pas, avec l'ensemble de leurs équipes, effectués un travail remarquable, capable de résister aux épreuves destructrices de l'eau et du temps ?
Les réservoirs de Montmartre en 2016
Et vous, en passant devant ce magnifique bâtiment, penserez-vous à la masse d'eau qui domine Paris ?
Bises, et à bientôt peut-être ...
Gini.